Une lecture de Raharimanana, accompagné de Tao Ravao, musicien.
Voix et corps, la parole héritée et celle dite d’aujourd’hui, dans la bouche du dominé pèse encore des tares de l’histoire, corps dénié toujours, malmené, voix inaudible malgré le scandale de la pauvreté et des violences qui l'accompagnent.
Où retrouver voix dans le filet de sang qui hante la mémoire ? Que convoquer de la barbarie des hommes dans l’imposture qui masque leurs actes ?
Une lecture où Raharimanana reprend ses écrits et se verse dans la musique inclassable de Tao Ravao pour tutoyer le dit et l'indicible, pour approcher de la nuit et en caresser les rêves… ou les cauchemars.
Par la nuit a été créé en 2009 pour le festival Contre-Courants de l’île de la Barthelasse (Avignon), à partir des écrits de l’auteur (Lucarne, L’arbre anthropophage, Les cauchemars du Gecko). Les deux artistes, Tao Ravao et Raharimanana sont des complices de longue date. Ensemble, ils ont créé le conte musical Le tambour de Zanahary qu’ils ont tourné plusieurs années, dans divers lieux, théâtres et pays.
Par ailleurs, Raharimanana a signé plusieurs succès des chansons de Tao Ravao et Tao Ravao a quant à lui créé la musique d’autres pièces de Raharimanana. Ensemble, ils explorent les frontières du dit, de l’écrit et de la musique.
Voici,
Terre de colline bleue.
L’horizon embrumé
Brouillard du matin
Fil de feu qui se donne fumée
Voici.
Terre d’éternel monticule
Tout au loin là‐bas, tout au loin
D’autres contrées encore, d’autres contrées...
Cette terre qui m’habite...
Elle.
Elle.
...
C’est une caresse que je laisse glisser le long des fleuves sinueux de tes hanches que j’appellerais extase. Fleuves sinueux où dérivent les vents faciles des désirs, c’est une caresse appelée extase que j’ai prodiguée pour ton corps. Et ramper et sur ta peau répandre les volutes de l’amour. C’est une caresse par la nuit sournoise, une caresse prise à l’ombre et qui se love dans le creux de tes reins. Par la nuit sournoise, quand il n’y a plus ni marchands ni étals sur la place des rencontres, on nous entrelace sur les pavés humides, on nous lance à tout hasard parmi les légumes pourris des bords de trottoirs, j’humecte ma bouche de la fine pluie qui tombe sur la ville, sur ta peau. On nous fait faire l’amour parmi les détritus des ventres rassasiés, je te baise, tu me baises, nous nous baisons. Par la nuit sournoise qui ignore nos misères
…
Eskuza-moi. Za m’eskuze. A vous déranzément n’est pas mon vouloir, défouloir de zens malaizés, mélanzés dans la tête, mélanzés dans la mélasse démoniacale et folique. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Si ma parole à vous de travers danse vertize nauzéabond, tango maloya, zouk collé serré, zetez-la s’al vous plaît, zatez-la ma pérole, évidez-la de ses tripes, cœur, bile et rancœur, zetez la ma parole mais ne zetez pas ma personne, triste parsonne des tristes trop piqués, triste parsonne des à fric à bingo, bongo, grotesque elfade qui s’egaie dans les congolaises, longue langue foursue sur les mangues mûres de la vie. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Za plus bas que terre. Za lèce la terre sous vos pieds plantée. Za moins que rien. Za vous prend la parole ô pécé ô pécé, huitième pécé : orgueil de la gorze qui s’ignore vain tambour, mère des échos qui se fracassent sur la souperbe indifférence de nos maîtres qui savent, savent la suave poussance de la force, poussance contre nous acculés, pressés, broyés, savent la vassale laceté à nous rivée à zamais, savent ils savent. Za m’askuze. Za vous prend la parole : pécé ô pécé, huitième pécé, parole prise et raclée dans vos gorzes, parole prise et ciée sur votre langue, za vous prend les mots et Za ne sait qu’en faire : mots émerzeant et razant, mots z’en peuple de démocratie, mots z’en gros et détails, moultitude de mots en progrès équitable –équitable ô ma tequilla, bois en de mon boisson eh vinasseur fini ! Za vous prend les mots, pardon, pardon. Za a pas le droit, pas le droit à la parole. Gros pécé, tabou zusqu’au bout des bouts.